Propositions

illustration.jpg

Voici quelques interventions, qui n’engagent que moi… Je remercie les personnes, souvent amies, qui m’y ont incité. On trouve également mes écrits (et livre d’images) constituant des essais sur des praxis (et leurs visages, et leurs mondes) rencontrés.

Cette enquête à travers les praxis constitue la ligne de fuite, transversale à tous les enracinements successifs que m’offrent les régions où transite mon existence. Où je me nourris à d’autres praxis que la mienne. Où j’entends de l’humain, du vivant, du vrai, malgré toute la difficulté naturelle ou artificielle que rencontrent des sujets qui ne se résolvent pas à baisser la tête, l’échine ou l’âme.

Une réflexion transversale sur les conditions d’une telle enquête, conditions épistémologiques, éthiques, peuvent se trouver dans les différentes régions de ce site. Je renvoie entre autres aux séances du séminaire « Sémiotique, pratique et clinique », mais également à certaines réflexions issues de la praxis pédagogique et de la praxis psychiatrique, en particulier Quoi de neuf ? Rien de bien nouveau, et peu importe après tout. Innovation et pertinence, une réflexion sur la (non)pertinence de la notion d’innovation, dans le champ spécifique de l’éducation, mais tout à fait transposable dans d’autres champs.

Un essai de traverse : Sens, éthique et pertinence, ou du sens du précaire

Voici un enregistrement qui permettra une traverse de ce qui est présenté dans la suite de cette page, et dans le reste du site. En voici l’origine : Pascal Nicolas-Le Strat et un groupe de doctorantes d’Experice, et venant aussi d’autres horizons, se réunissent régulièrement dans un séminaire, Commun en recherche ; en novembre 2019, elles m’ont invité à venir parler de ma recherche. Accueilli par ce groupe, j’ai tenté de mettre des mots non pas sur mes « objets de recherche », mais sur les soucis éthiques, théoriques, concrets qui ont peu à peu informé, déformé, réformé le cheminement de mon enquête à travers les sciences et les pratiques humaines. De quoi reprendre, tenter non pas de barder l’homogénéité, mais de repérer l’hétérogénéité, et qui sait de saisir un peu du sens, de ce que je fais là, parmi d’autres. (Je remercie Nicolas Sidoroff de l’enregistrement.)

Terrains, objets, méthode

Le document Sens et Praxis pose le projet d’ensemble, ses objets et ses terrains, dans leurs enjeux théoriques et méthodologiques. Éléments pour une analyse praxique du discours, synthèse de mon dossier d’HDR, déroule le cheminement de ces années de recherche. Chaque page du site présente les différentes régions de ce chantier transdisciplinaire. En voici un bref panorama.

Dans ce chantier de recherches, on peut distinguer plusieurs types d’objets ou de terrain :

  • des praxis, généralement contemporaines (pédagogie, psychiatrie, médecine, justice, critique, création artistique) ;
  • des œuvres d’art (littéraires surtout, Renaissantes en particulier) ;
  • des théories (dans divers champs : philosophique, sémiotique, critique, psychanalytique, sciences humaines, etc. ; et selon une perspective actuelle ou historique).

Sa méthode – qui par définition se fait en marchant… — est transdisciplinaire. Elle s’ancre dans les sciences du langage, empruntant à la fois à la sémiotique peircienne revue par Michel Balat et par la psychothérapie institutionnelle, et à un projet d’analyse des discours rapportés aux praxis qui les engendrent. Mais cette approche se nourrit également d’un constant dialogue avec les théories nées de chaque praxis rencontrée, et avec les sciences humaines, en particulier la psychanalyse, ainsi qu’avec la philosophie. Le tout circonscrit ce que j’ai proposé d’appeler une analyse praxique des discours. Enfin, en ce qui concerne les études de critique littéraire proprement dites, cette approche s’articule avec des enjeux stylistiques et d’histoire des formes et des idées, guidée par l’idée directrice d’une disposition au sens des œuvres.

Sens/praxis

À la rencontre des sciences du langage et du champ de l’expérience existentielle, émerge une question à la réponse sans cesse incalculable : celle du sens. Et cette question ne peut s’éprouver que dans une coprésence concrète, matérielle : dans une praxis.

La question du sens n’est pas réductible à celle de la signification, ni à celle de l’interprétation ; ce n’est pas une affaire de lien linguistique ou culturel entre un fait ou un vécu d’une part, et de l’autre l’image qu’on (s’)en donne d’une façon plus ou moins claire et rationnellement consciente. Si, comme l’a écrit Gilles Deleuze, il existe une « logique du sens », une telle logique se joue en-deçà des mots. Singulière et non généralisable, elle est portée par une dynamique irréductible à tout figement positiviste, nosographique ou protocolaire. Ce chantier peut se lire comme une enquête sur le déploiement d’une telle logique, « logique vague » (Peirce), à travers les champs divers des pratiques, des créations et des théories, étagés sur les différentes strates anthropologiques (psychique, sociale, culturelle, politique, etc.) qui forment la complexité proprement humaine — en bref : à travers des praxis.

Qu’entendre par « praxis » ? Il ne s’agit pas d’un synonyme de « pratique », et la question de la praxis ne se réduit pas à l’étude d’une pratique dans sa dimension technique ni dans sa « mise en contexte » sociologique, psychologique, etc. En lieu et place d’une situation de production et d’existence lambda, uniquement dépendante de sa place dans son champ social, et n’ayant donc a priori besoin que d’agents qui (re-)produisent les lois et les forces de ce champ, une praxis désigne une qualité de présence qui s’impose telle une trouée paradoxale, la naissance imprévue d’une dynamique subjective (et collective). Cette émergence embraye sur le maintien progressivement construit d’une pratique, sous-tendue et fondée par un discours, mais également productrice d’une théorie propre qui l’analyse, l’étaye et la redéploie : sans s’extraire du champ social, donc, mais en développant une logique irréductible à ce dernier. Une praxis n’existe pas hors de sa maîtrise réelle par ses sujets (maîtrise technique, politique, économique mais aussi théorique). Mais elle n’existe pas moins sans une part de création libre, de poiesis. Sans l’engagement d’un sujet (et celui, concomitant, d’une possible communauté de travail, d’existence, au sein d’un groupe restreint de sujets), sans l’investissement du désir et du fantasme (au sens psychanalytique de ces termes) au sein des institutions et des pratiques collectives, alors la praxis meurt aussi brusquement qu’elle avait pu émerger du champ macrosocial.

Autrement dit : au cœur d’une praxis, être-là en tant que sujet fait sens, ou ne fait pas sens. Tel est le signe qui témoigne qu’une praxis existe, ou meurt. Quelle est la logique d’un tel signe, de sa dynamique ? Telle pourrait être la ligne transversale, sémiotique, qui relie l’ensemble de ces écrits autour du nouage entre sens et praxis.

Analyse praxique des discours

Cette ligne directrice conduit deux types d’analyse, qui croisent en permanence leurs essais :

  • une analyse des pratiques à l’aune des discours et des théories qu’elles engendrent et fomentent, et qui dialectiquement les analysent et les relancent en permanence ;
  • symétriquement, une analyse des discours à l’aune de la pratique de laquelle ils émergent et qui en informent en profondeur le style, tant de pensée que d’énonciation et d’esthétique.

Autant d’éléments qui constituent ce que l’on pourrait délimiter comme une analyse praxique des discours : non pas une nouvelle étiquette disciplinaire, au sens universitaire du terme, seulement la discipline personnelle dans un cheminement intellectuel singulier, mais jamais délié du dialogue avec tous ses Autres.

Du Sens du précaire aux Arabesques sur le courage

Arabesques sur le courage est un manuscrit inédit déroulant son programme au fil de trois praxis : juridique, pédagogique, psychiatrique, et bouclant l’ensemble en une ouverture sur l’esthétique. Ce manuscrit est lisible dans son intégralité, ou bien sous forme d’une présentation synthétique. Le séminaire Sémiotique, pratique et clinique revient sur ces différentes praxis et leur dimension sémiotique.

Chaque arabesque présente une analyse des discours nés des pratiques des médiations de quartier créées à Valence dans les années 1980 ; nés d’une classe de pédagogie institutionnelle en banlieue parisienne dans les années 1960 ; nés, enfin, d’un secteur de pédopsychiatrie accueillant des enfants autistes à Anger dans les années 1990. Ces trois études forment un trajet qui, graduellement, questionne les conditions macrosociales de naissance, d’existence et de disparition d’une praxis (première arabesque), puis la logique interne singulière, désirante et coopérative, qui rend une praxis irréductible, et donc résistante, à ces lois massives du champ macrosocial (seconde arabesque), avant de mettre en lumière, au sein de cette irréductibilité, la place du sujet et la nécessité d’une logique vague (Peirce) (troisième arabesque) — le tout menant à penser la profonde quotidienneté ontologique d’une telle présence au monde, aux autres et à soi, et les formes esthétiques qu’elle revêt (boucle finale).

Actuellement, deux autres travaux d’élaboration se font, l’un autour de ce que serait une praxis médicale, avec mes amis du service de réanimation pédiatrique de l’Hôpital Necker-Enfants malades à Paris, et l’autre dans la constellation que forment les praxis artistiques d’amis peintres, cinéastes et musiciens.